Mon père Jacques BENADON est né en 1920 à Salonique. Avec ses parents, Salomon et Riketa, ils ont immigré vers la France en 1922.
Il a passé son enfance à Paris dans le quartier Voltaire, précisément rue Popincourt.
Début 42 à Paris devenait difficile voire dangereux, donc ses parents lui demandèrent de quitter Paris pour Megève, où ils avaient des interlocuteurs. Il partit donc au printemps 42. Par mesure de sécurité il aurait traversé la Loire à la nage…. Puis il arriva à Megève où il fut reçu, caché dans une maison d’enfants : La Riante colline… il travailla d’abord comme professeur de gymnastique. Il connut dans cette maison d’enfant, Jean CARASO et ma Mère, Colette.
La famille de ma mère était très engagée envers le Maquis des Chenées hautes. Aussi, mon père fut invité à quitter La Riante Colline pour le maquis, plus sûr pour les Juifs…
Automne 42, Salomon et Riketa furent arrêtés le 6 Novembre, pour être déporté les 9 et 11 novembre par les convois 44 et 45… Mon père, fils unique, devint alors orphelin, à 22 ans … Le début de sa douleur commença là.
Il passa l’hiver et le printemps dans le Maquis, ma mère venait les ravitailler en nourriture, à pieds depuis Megève… Savait-elle les risquent encourus ? Son frère Pierre, était dans L’Armée secrète, et devait être mieux informé que tout le monde ; mais il fallait leur apporter des vivres….
Dans la réalité, je crois qu’ils n’ont pas fait grand-chose en termes de résistance, peut-être quelques attaques éphémères, manque d’arme, manque d’entrainement….
En Mai 43, Pierre apporte l’ordre de déménager, car les Italiens s’apprêtaient à monter… l’attaque fut rapide, quelques-uns purent s’enfuir, mon père fut arrêté… avec un camarade du maquis, Paul Rechiniac. D’abord incarcéré à Annecy, dans une caserne aux mains des Italiens. Ma mère et ma grand-mère se précipitèrent à Annecy, pensant pouvoir extraire mon père de son arrestation. Elles vinrent trop tard, mon père était déjà transféré à Lyon, à Mont Luc… où sévissait le sinistre Klaus Barbie…
Laissant ma mère à Annecy, (elle n’avait que 20 ans,) très rapidement, ma grand-mère se précipita à Lyon, elle y vit les officiers nazis… elle était prête à tout pour sauver mon père de l’enfer… Evidemment, en vain…
De son côté, mon oncle Pierre, en alpiniste expérimenté qu’il était, fuyait à travers les montagnes poursuivit par des militaires allemands… dans ma famille, on rappelait que sa fuite dura plusieurs jours voire plusieurs nuits. Epuisé, il trouva refuge auprès d’une famille de résistants.
Pour mon père, le calvaire dura de mai à septembre 43…. Entre les mains des sbires de Barbie… un résistant juif … Il n’en parla jamais… à personne… l’indicible n’a pas de mots… Toute sa vie il resta un homme emmuré dans son calvaire d’hier.
En septembre 43 il fut déporté à Buchenwald avec son camarade Paul Rechiniac… Il y resta jusqu’ au 11 avril 45.
Il y vécu des choses dramatiques… il fut dans les commandos des Schneider, des couturiers. Si ces places sont relativement protégées c’est parce que par ailleurs, elles coutaient très chers…
S’il était incarcéré comme résistant, il avait néanmoins le sort particulier des résistants juifs….
Il participa à la révolte de Buchenwald car il était proche de la cellule résistante socialiste de Georges Brutelle, (futur responsable de la SFIO) Eugene Thomas… (futur ministre des PTT du gouvernement de Gaulle)…
De son côté ma mère et son frère Pierre s’engagèrent dans l’armée Leclerc, Pierre participa à la conquête de Strasbourg où il fut blessé ; ma mère, infirmière travailla à La Salpêtrière pour soigner les déportés qui revenaient.
Mon père retrouva ma mère au Lutétia le 26 Avril 45… ils logèrent d’abord cours de Vincennes.
Le Premier Mai, il neigeait à Paris, mes parents regardèrent le défilé des déportés depuis leurs fenêtres du Cours de Vincennes.